Le vertige

Je suis Baudouin Demanche et je ne cherche plus à créer, je cherche à sentir. Le reste n’est que conséquence. Les images, les mots, les campagnes, les plans de caméra — ce sont des miettes de quelque chose de plus vaste, de plus ancien, une pulsation qui court sous la peau du monde et qui s’appelle le désir de comprendre ce qu’on fout ici. J’avance sans carte, sans méthode, sans école — juste un besoin, viscéral, de capter ce moment où tout bascule : la lumière qui se tord sur le cuivre, la voix qui tremble dans le micro, la seconde avant que l’idée ne devienne produit. Je travaille avec les marques, oui, mais je n’appartiens à aucune. Je traverse leurs mondes comme un voleur d’étincelles.
Chaque projet est une collision. Entre le sens et le bruit. Entre le réel et ce qu’on rêve d’en faire. Entre ce qu’on vend et ce qu’on sauve malgré soi. Je n’ai pas de style, seulement une vitesse. J’accélère quand tout ralentit. Je désobéis par nécessité. Je refuse la perfection — elle tue le vivant. Je veux l’accident, la poussière, la trace de la main sur le métal encore tiède. Le reste, les slides, les KPI, les manuels de ton de voix, c’est la partie morte de notre métier. Ce que je veux, c’est la partie vivante : le vertige, la sincérité, la peur, la beauté brute.
Je crois à la puissance du chaos. À la phrase mal taillée. Au plan raté qui révèle plus qu’il ne montre. À l’instinct avant la logique. À la matière avant le message. Je crois que la pub, l’art, le design, la politique, la vie — tout ça n’est qu’une tentative de dire la même chose : regarde-moi, écoute-moi, sens comme ça bat. Je ne vends pas des produits, je trafique des émotions. Je bricole des passerelles entre des mondes qui s’ignorent. J’écris pour les insomniaques, les chercheurs d’air, les âmes saturées de lumière bleue.
Je n’ai pas de méthode créative, j’ai une hygiène du feu. Tout brûler pour retrouver le centre. Chaque projet est une chute, et j’y vais tête la première, sans parachute ni plan de secours. Je crois à l’idée qui fait trembler, pas à celle qui rassure. Aux visions qui dérangent les directions marketing, pas à celles qui décorent leurs PowerPoints. Je crois au travail des mains, au regard franc, à la musique derrière les mots. Je crois qu’une bonne idée doit pouvoir être criée dans une rue, entendue dans un bar, et ressentie dans le silence.
Je suis Baudouin Demanche et je fais ce que je peux pour ne pas m’endormir dans le confort des certitudes. Je cherche la secousse, la faille, le point de rupture où tout se remet à vibrer. La création n’est pas un talent, c’est une malédiction : celle de ne jamais se contenter, de toujours vouloir plus vrai, plus juste, plus brûlant.
Alors j’avance. Toujours. Sans promesse, sans méthode, sans destination.
Parce qu’au fond, il n’y a rien à atteindre.
Juste un souffle à prolonger avant que la lumière ne retombe.